Un incendie plonge le web français dans la panique

Strasbourg : la nuit du 10 mars 2021, un incendie détruit un data-center OVH, et le web français panique. Vous l’avez sûrement vu dans la presse, même si vous ne travaillez pas dans le web.

Aussi, si je vous dis le nom d’OVH, la première image que ça vous évoque, c’est sans doute quelque chose du genre.

Pompier combattant un incendie

Et pourtant, avant, les professionnels du web, ça leur évoquait plutôt ça.

Couloir d'un datacenter

Si on se fie aux données Google Trends, le mot-clé OVH a eu son pic d’audience le 10 mars. Puis celle-ci a chuté de 75% en seulement deux jours, et la baisse continue.

Or, deux jours plus tard, OVH est encore loin d’avoir réglé les problèmes. Même si l’incendie est maîtrisé, des milliers de sites web restent inaccessibles. Nombre de clients de l’hébergeur sont des professionnels. Ces sites sont donc leur instrument de travail.

Mais cet incident n’affecte pas que des sites web : il y a d’autres façons d’utiliser un serveur. Il peut aussi héberger une boîte mail, ou des bases de données. En d’autres termes, les complications vont au-delà de ce que vous pourriez croire.

Dans cette revue de presse, nous allons analyser l’emballement médiatique autour de cet incident. J’analyserai aussi le traitement qui en a été fait et ses limites.

L’incendie, une catastrophe qui fait du buzz

Plusieurs titres de presse adoptent une accroche sensationnaliste (et non, je ne vois pas ce qui vous dérange dans mon titre). Par exemple, le site de BFM titre « L’incendie des serveurs OVH fait partir en fumée une partie du Web français« . Au-delà du titre un peu racoleur, l’article est moins sensationnaliste qu’on le pense. Souvent, une photo accompagne ce genre d’article.

Et ici, on voit la photo… d’Octave Klaba, PDG d’OVH.

Dans un incendie, il y a une poétique de la catastrophe. C »est un désastre, mais c’est quand même beau à regarder. Et je ne vois pas non plus le problème avec la photo mise en avant sur cet article.

D’autres titres ont pris et repris les images de l’incendie, pendant, ou après l’intervention des pompiers. On se doute que le pic de recherche pour le mot-clé « OVH » a un lien immédiat.

Alors pourquoi tout ça est-il retombé ? Et surtout, cela veut-il dire que plus personne ne s’en soucie ?

Enseignements pour le web français après la panique

Même s’il est spectaculaire, l’incendie n’a touché qu’un data-center. Et encore, seule une partie de ses serveurs ont brûlé. En France, on estime qu’il y a 156 data-centers. OVH, s’il est un poids lourd du web français, en héberge environ 3%.

Cela paraît très peu, mais en fait, c’est énorme. En tout cas, ça suffit pour créer le chaos. Cet article sur le site de France Bleu donne quelques exemples de sites touchés.

On y retrouve des services académiques de l’Éducation Nationale, ou les services web du centre Pompidou. Plus préoccupant, on y retrouve le site Data du gouvernement, qui recense notamment les statistiques du covid 19.

OVH n’est pas seulement un poids lourd dans le web français. Elle a une clientèle à l’international et était sur le point d’entrer en bourse.

Un incendie peut arriver, surtout dans un data-center. Octave Klaba met en cause un onduleur qui aurait provoqué l’incendie.

La fin d’un mythe : Internet n’est pas dématérialisé

Cet incident marque la fin d’un mythe : un site web est virtuel, mais il a quand même besoin de matériel pour fonctionner. Ces dernières années, le cloud-computing s’est imposé un peu partout. Avec lui, plutôt que des logiciels installés sur votre disque dur, vous avez commencé à passer de plus en plus souvent par des plateformes.

Celles-ci sont pratiques, vous permettent d’accéder à vos données de partout, si bien qu’on a vite oublié qu’Internet n’était pas dans les éthers.

Un nuage
Ceci n’est pas Internet

On parle souvent de « dématérialisation », à tort. Si on a des 0 et des 1 en guise de disques, de papier, etc., ils sont toujours stockés, sur un support bien concret. Quelque chose dans le genre :

Disque dur à nu
Voici à quoi ressemblent vos documents « dématérialisés »

Quand vous grillez un disque dur comme ça, vous vous maudissez, de votre maladresse, de ne pas avoir fait de sauvegardes, … Or, des disques durs, le data-center de Strasbourg en comptait des milliers.

Et avec eux, c’est un bout d’Internet qui est effectivement parti en fumée. Mais après l’incendie, une fois passé le vent de panique, le web français doit maintenant se reconstruire. Nous récupérerons sans doute une bonne partie des données perdues. Les copies de sauvegarde, les vôtres, ou celles réalisées par OVH, y aideront.

Le web français, trop centralisé ?

Personne n’aime voir son site web hors-service. Mais il ne suffit pas qu’un seul site disparaisse pour que le web plonge dans le chaos. À moins, bien sûr, que ce site soit Google ou Facebook, mais c’est un autre problème.

Par contre, le désordre que crée l’incendie d’un seul data-center, et le vent de panique qu’il crée sur le web français interrogent. Avec lui, ce sont plusieurs milliers de sites qui sont compromis.

Certains plaisantins ont d’ailleurs revendiqué l’incendie, comme l’évoque cet article de Reporterre. Leur message dénonçait une fuite en avant technologique. Ils y parlent du déploiement de la 5G, de la surabondance d’écrans dans nos vies, et du fait qu’on emmagasine des volumes énormes de données.

Comment les grosses plateformes fragilisent le web

Derrière la provocation, ce message pose de vraies questions. La course à la technologie nous a permis d’externaliser un certain nombre de problèmes liés à l’informatique.

Avant, une entreprise, une administration fonctionnait avec un progiciel sur un réseau local. Une flotte d’ordinateurs s’y connectait pour s’en servir. Il fallait un administrateur-système pour s’occuper de ce réseau. Autrement dit, il fallait payer une personne pour que ce logiciel fonctionne.

Aujourd’hui, le cloud-computing a permis de développer de nouveaux modèles économiques. Désormais, l’entreprise qui a conçu le logiciel, plutôt que de le vendre, vend un accès à celui-ci.

Si ce modèle permet à de petites structures un service similaire pour un coût moindre, il fragilise l’activité globale.

Une panne dans l’intranet d’une entreprise, c’est compliqué, mais l’impact reste limité. Par contre, quand un éditeur gère les bases de données de dizaines de clients pour son logiciel, une panne peut toucher beaucoup plus de monde.

C’est aussi ce qui s’est passé avec OVH. La mise a l’arrêt de leurs serveurs nous a mis devant la vulnérabilité de ce système.

Après l’incendie : repenser les infrastructures pour le web français

Pour éviter de plonger dans le noir une partie du web, très logiquement, on commence à réfléchir à d’autres manières de faire.

Si une salle avec des milliers de serveurs brûle, on peut en déduire la solution. Une salle avec moins de serveurs aurait concerné moins de sites.

On peut donc imaginer des structures plus petites et plus nombreuses.

Créer un serveur, c’est beaucoup plus facile qu’on le croit. Même votre ordinateur de bureau pourrait vous tenir lieu de serveur, comme je l’évoquais dans mon article sur le bon ordinateur pour faire son site.

Il vous faudra une connexion adéquate, mais ça, c’est un autre problème. Sans aller jusque à y héberger votre site, vous pouvez déjà faire votre réseau domestique. Celui-ci vous permet de faire des sauvegardes des données les plus importantes, par exemple.

Pour une somme modique, vous pouvez aussi vous acheter un serveur NAS, que vous branchez sur votre box. Encore une fois, si vous voulez mettre en ligne votre site, votre connexion risque d’être un peu juste.

Par contre, vous pouvez vous en servir pour stocker vos données. Un serveur NAS vous permet d’avoir un disque dur qui ne sort jamais de chez vous, auquel vous pouvez vous connecter n’importe où.

Après l’incendie et la panique qu’il a créée, il ne suffira pas d’une seule mesure pour sécuriser le web français. Certes, les solutions individuelles vous permettent de protéger vos données. Mais si on parle de protéger le web, il faudra voir le problème à une autre échelle.

Aussi, en tant que clientes et clients de ces services, encourageons une gestion décentralisée. Nul doute que la direction d’OVH va se remettre durement en cause. À nous d’influencer leur réflexion vers plus de résilience.

Pour ne rien louper...

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